dimanche 1 janvier 2017

La vie amère


On échange plein de niaiseries pendant les fêtes, on devient bêtas, lénifiants, pires que des gosses. Mais c'est vrai que c'est réconfortant: on a le sentiment, durant cette courte période, d'une suspension du Mal et de l'angoisse de la mort. On se souhaite une vie sans aspérités, la vie peinarde, sans soucis, immobile, béate, la reproduction de soi-même entièrement vouée au bonheur et on semble y croire. On se croit devenus immortels. On retrouve la "pensée magique", enfouie mais jamais complètement effacée: on a l'impression qu'on est parvenus à se concilier, brièvement, les dieux et les morts. On redevient "primitifs".


Parce que, demain, dès lundi prochain, tout ça sera effacé. On redeviendra nous-mêmes infects, on retrouvera la banalité et la cruauté d'un monde désenchanté. On sera à nouveau seuls, désemparés; et on sait bien, aussi, que rien de ce qu'on a souhaité ne se réalisera.

Parce qu'on sait bien que ce qui nous attend, nous guette en 2017, bien plus que la félicité (de toute manière fugitive), c'est l'angoisse, la déception, le chagrin, la souffrance, la haine.

C'est à ça qu'il faut, plutôt, se préparer. C'est triste bien sûr mais que serait un monde dont le Mal et la souffrance seraient exclus ? La mort, c'est, hélas, le moteur de la vie humaine et de la création de soi.

"On peut mourir d'être immortel" écrivait Nietzsche. Et c'est sûr que c'est ça qui nous arriverait, immanquablement, dans un monde voué au bonheur absolu, expurgé de toute souffrance. On mourrait tous d'ennui. La vie, c'est bien la lutte à mort pour la reconnaissance, parole de vampire !

Bonne année quand même !  Beaux voyages, belles rencontres, belles images !



Images de John Martinez. Artiste new-yorkais, décorateur d'opéra.

Sur les fêtes, leur signification anthropologique, je vous recommande vivement de lire un petit article de Claude Levi-Strauss: "Le père Noël supplicié" que l'on vient de rééditer.

Enfin, si vous recherchez un moment de grâce dans la banalité du monde, allez voir le film de Jim JARMUSCH: "Paterson".
Egalement, mais à un moindre degré: "Souvenir" de Bavo DEFUME avec Isabelle Huppert.

4 commentaires:

nuages a dit…

Ce qui est frappant dans vos textes, c'est l'utilisation du mot "on", à la place du "nous". "On", ça fait un peu plus anonyme, impersonnel. Il est vrai que, dans le langage parlé du moins, les gens disent plutôt "nous, on pense que" plutôt que "nous pensons que". Mais le "on", comme vous l'employez, ça a aussi un caractère de généralisation : "on" fait ceci, "on" pense que...

Je ne crois pas que les comportements que vous évoquez soient si généralisés, que personne n'aura l'un ou l'autre de ses rêves réalisés dans l'année "nouvelle" qui vient. Pour ma part, ma vie est assez modeste, j'ai beaucoup de manques (relationnels et affectifs, amoureux aussi...), mais je savoure pleinement de nombreux moments intenses, même petits, même ténus.

Je savoure en particulier les films que je vois, les livres que je lis, et je sais qu'il y en aura plein, en 2017. Je savoure mes marches dans la campagne autour d'Avioth, les moments de convivialité vrais que je vis dans ce lieu.

Et pour ce qui est des films, je compte bien voir "Paterson", j'aime en général les films de Jarmusch. Au cinéma, il y a quelques jours, j'ai vu un très bon film de Cristian Mungiu (Roumanie), "Baccalauréat". Très fort, et pas manichéen, en plus, ce qui est une qualité.

Enfin, depuis quelque temps, je pense que le "nouvel an" n'est jamais que le passage d'un 31 décembre à un 1er janvier, que ça n'a guère de signification pour moi. Nous n'avons pas "basculé", comme certains disent, d'une année à une autre. C'était juste le passage d'un jour d'hiver froid et nuageux à un autre jour d'hiver froid et nuageux.

Et pour conclure, je me réjouis de continuer à vous lire.

Bien à vous

Jean (Nuages)

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Vous avez sans doute raison.

Mais je pense que ce que j'écris est a la fois complètement faux et complètement vrai.

Je pourrais certes essayer d'être plus modérée, choisir le moyen terme, mais alors, il n'y aurait tout simplement plus de blog, juste un brouet insipide.

Bonne année a vous et continuez vos photos a Avioth, capitale du monde. Plein de beaux voyages et bons livres également.

Amicalement

Carmilla

PS: je suis moi-même en voyage en ce moment.

KOGAN a dit…

De moins en moins porté sur les conventions de fin d'année et à l’hypocrisie sociale qu'elles génèrent, pourquoi se réjouir à l'avance de 2017 , alors que l' année 2016 n’est qu’une année de moins...

Comment souhaiter une bonne année lorsque l’on est confronté à la médiocrité du monde, à la marchandisation de tout, aux interdits galopants et à la mise en boîte de notre "way of life", au détriment de l'érection de l’esprit, et des sens.

L’avenir nous appartient, 2017 sera ce que nous déciderons d’en faire... D’enfer ou pas!!!

2017...gare aux "amis" qui s’éloignent à la première averse, qui tournent autour de la source lumineuse lorsque l’astre brille et qui fuient comme des étoiles filantes ... lorsque commence la nuit.

"Et Bonne santé" comme l'on dit aussi à cette occasion, et qui s’américanise un peu plus...
Il vaudra mieux à l'avenir éviter d’être malade...afin d'éviter la morphine... La Mort fine.

(Bon voyage) et Bonne Année malgré tout.
Et continuons de débloguer!!!

Amicalement.
Jeff


Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Je pense aussi qu'on se déteste tous, généralement, mais ça ne veut pas dire, non plus, qu'on n'est pas capables de vivre ensemble.

Et puis, on est peut-être, aussi, moins affreux que je ne l'affirme.

Mais je donne aussi raison a Nuages parce que je généralise a outrance.

Et enfin, l'enfer, je ne sais vraiment pas si c'est l'américanisation du monde. Il y a beaucoup de gens qui ont rêvé de ça et qui rêvent de ça et c'est parfaitement estimable.

Amicalement

Carmilla.