dimanche 4 décembre 2016

De la manipulation


La manipulation, ça devient la grille d'analyse, simple et universelle, de la vie sociale et politique. 


Ce serait, d'abord, le moteur de la société de consommation et de l'infâme capitalisme. On jouerait sur nos désirs non formulés, on induirait des besoins inutiles. Surtout, on dissimulerait que ce qu'on vous vend est de la camelote ou est même carrément dangereux pour notre santé. Le pire, ce seraient les marchés financiers continuellement manipulés par quelques spéculateurs ("les gnomes de Zürich") œuvrant à l'asservissement, l'appauvrissement, des peuples.


Ça s'étend, bien sûr, à la sphère politique avec toutes les thèses complotistes. Ce sont généralement les Etats-Unis et la finance mondiale (sous entendu "les Juifs") qui, dans leur volonté de puissance inassouvissable, tireraient les ficelles d'à peu près tout. Plus c'est gros, mieux ça passe: les Twin Towers, la conquête de la lune, l'Ukraine et même Daech, tout ça, c'est du bidon, du "fake", c'est les Etats-Unis qui sont derrière. Les peuples, les "justes", seraient, évidemment, sans défense face à ces offensives dictatoriales.


Enfin, ce sont les relations personnelles, interindividuelles. Dès qu'une relation amoureuse ou professionnelle se passe mal, on a vite fait de qualifier l'autre de pervers narcissique. Psychiatriser (normaliser) la vie, on aime bien ça. Ça permet d'objectiver l'autre, ce qui est, bizarrement, aussi, une attitude perverse. Ça permet aussi, bien sûr, de se libérer de toute culpabilité, responsabilité.


La théorie de la manipulation, c'est, finalement, formidable. Ça permet de briller en société, de sembler intelligent, d'avoir l'impression d'expliquer, avec une clé très simple, des choses très complexes. La manipulation, c'est la psychologie pour les nuls.


Surtout, ça permet d'être reconnu socialement car pour être reconnu, aujourd'hui, il faut être une victime !


Mais la manipulation, je ne vais quand même pas la nier ! C'est, effectivement, l'un des jeux importants de la vie. Simplement, la manipulation, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître qu'on en est, quelquefois, non seulement les complices mais souvent, aussi, les acteurs.

Il y a, en effet, un "bénéfice" de la souffrance qui vous exonère de toute responsabilité et puis, il y a aussi, sur un autre versant, un intérêt objectif à manipuler les autres: simplement pour pacifier les relations, pour éviter la guerre!


Moi, je le sais bien, je suis une terrible manipulatrice ! Moins naturelle, plus construite que moi, il n'y a pas ! Toujours polie, élégante, kantienne, c'est mon idéal. Mais je suis, peut-être, d'autant plus redoutable. Je ne jette jamais un amant en lui disant qu'il est nul ! Quant à mon blog, je vous manipule évidemment, chers lecteurs ! Du moins, j'en ai conscience mais suis-je, pour autant, une incarnation du Mal ?


Tableaux de Valerio ADAMI, né à Bologne en 1935. Très fort !

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Non tu nous manipulés pas... Tu es plutôt notre stupéfiant Dominicale. Pas un Dimanche, je trépigne te lire et suis impatient d'être le dimanche suivant ... Merci Thierry le Belge

KOGAN a dit…

Bonjour CARMILLA

Je n'ai pas d'inspiration pour ce post.

"Chacun de nous a potentiellement en lui les habiletés pour manipuler. Cela devrait nous rendre prudent avant de porter un jugement sur quelqu’un à partir des opinions des autres.

Souvent, en effet, elles n’ont vu que certains aspects de ces individus. Mais rappelons que réduire autrui à un moyen, c’est s’exposer soi-même à être traité de la même manière."

MARC VACHON


Je crois sincèrement que vous êtes...sans danger.

Bien à vous
Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Grand merci Thierry mais tu es trop élogieux !

Il ne faut pas me surévaluer.

J'espère, en effet, être moins manipulatrice que je ne l'affirme. Mais il faut toujours être critique vis-à-vis de soi-même. Je me méfie des gens qui se prétendent absolument vertueux.

Bien à toi

Carmilla

Alban Plessys a dit…

Bonjour Carmilla,

en tant que grand manipulateur, je suis d'accord avec vous. Et lorsque je me sens victime de plus fort, ou mieux armé que moi, je ne peux m'empêcher d'y voir une imposture et une fourberie : je suis au fond des choses bourreau de moi-même.

Je vous remercie ici pour votre réponse chaleureuse à l'ouverture de mon blogue. Je lis beaucoup en silence et ce fut le cas ici, depuis deux ou trois ans, peu importe. Je découvre un mode de vie, des voyages, des oeuvres. C'est vivifiant.
Il me faut toujours beaucoup de temps pour ouvrir les fenêtres. L'espace où j'écris est très intime et silencieux. Je mentirais si j'affirmais que je ne souhaite pas être lu, mais la constitution d'un lectorat doit être une perspective de longue haleine. Je vous crois sur parole.

A vous.

Alban.

Richard St-Laurent a dit…

Bonjour dame Carmilla !

Entre : L'honnête dissimulation par Torquato Accetto d'une part et le Discours de la servitude volontaire par Étienne de la Boétie d'autre part, vous frappez en plein dans le mille. Autrement dit, dans la manipulation vous êtes chez vous.

Fascinante manipulation, d'autant plus que l'humain la rejette, voir la condamne, mais qui, dans sa vie quotidienne en redemande.

Qui est soumis ? Celui qui manipule, ou celui qui est manipulé ? Il y aurait de quoi retourner quelques philosophes sur la broche.

Ce que j'aime dans la manipulation, c'est lorsqu'on la découvre et qu'on la perce. Alors le manipulateur ou la manipulatrice est nu. C'est la capitulation sans condition, ou l'auteur du subterfuge se condamne lui-même à la fuite.

Peu importe le profit, monétaire ou sexuelle, toute séduction est une manipulation. Alors faut-il s'y soumettre dans une servitude volontaire, ou bien, y demeurer dans l'honnête dissimulation ?

D'après mon expérience, il appert, que cette fameuse manipulation est un fondement de la nature humaine. Nous y sommes confrontés d'une manière ou d'une autre.

Sur la manipulation, je dirais que vous êtes l'une des rares personnes à marcher sur des œufs sans les casser. J'aimerais bien connaître votre truc.

Qui plus est, ma logeuse, depuis quelques mois a pris un nouvel amant. Je n'ai plus besoin d'aller au théâtre, parce que j'assiste quotidiennement au spectacle de la manipulation. On dirait du vrai Shakespeare comme Le Roi Lear.

Sur le fond, j'aime les manipulateurs, surtout lorsque je les vois déboucher de loin, cela permet de préparer la contre-offensive.

Salutations distinguées, et ce n'est pas de la manipulation, mais un grand éclat de rire.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Je pense que les mécanismes de la manipulation sont universels et qu'on est tous, plus ou moins, manipulateurs. Ce qui est important, c'est de savoir le reconnaître.

Moi-même, j'ai conscience de l'être, peut-être moins que je ne l'affirme et sans intention, du moins je l'espère, d'assujettir l'autre. C'est surtout pour éviter d'être trop brutale. Blesser directement l'autre m'apparaît inutile et malsain.

Bien à vous

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Alban,

La manipulation nous confronte, en effet, aux rapports de pouvoir et on n'est pas toujours les plus forts.

Manipuler, c'est, peut-être, plus facile pour une femme car on est davantage habituées à jouer de l'arme de la séduction.

Mais c'est vrai que ça n'est pas facile d'être lucides.

S'agissant enfin du blog, il m'a fallu, pour ce qui me concerne, 2 bonnes années avant que des lecteurs commencent à m'écrire. Soyez donc persévérant.

Bien à vous

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard pour votre message comme toujours très chaleureux !

Je n'ai pas grand chose à ajouter parce que je suis, globalement, d'accord avec vous.

Oui! La manipulation est une attitude universelle. Ça n'est pas toujours, toutefois, à des fins d'assujettissement. Par politesse, respect, aussi ! Etre aimable, c'est, également, manipuler.

On est, tour à tour, dominant/dominé et ça n'est pas toujours très agréable.

Bien à vous

Carmilla