samedi 12 novembre 2016

Mes ailes allemandes


Retour d'un séjour allemand où j'ai pu faire un peu de tourisme :

- à Bamberg (la ville de Hoffmann et aussi, un peu, de Hegel),
- à Heidelberg et Speyer.


L'Allemagne, je connais bien et même mieux que la France, d'un seul point de vue touristique. Ça fonctionne, pour moi, un peu sur le mode de l'attraction-répulsion.



Attraction: 

La culture (Kultur), d'abord, bien sûr. Pas besoin de développer : sa gravité, son abstraction. 

Je suis plus réceptive à la littérature allemande qu'à l'anglo-saxonne, tellement prisée en France. Ce qui m'impressionne, c'est que tous les Allemands, même les plus modestes, ont une connaissance, même limitée, de leurs grands philosophes. Tout le monde peut dire quelques mots de Kant, Hegel, Nietzsche, Heidegger. Je ne crois pas que ce soit le cas en France.


Il y a, aussi, une architecture (des villes organisées autour d'une grande place centrale avec des maisons de brique rouge) et des paysages (largement ceux de l'Europe Centrale) qui m'inspirent et me font rêver. Le "romantisme" allemand, c'est bien sûr un cliché mais ça recouvre quand même aussi une ambiance, une esthétique, très concrètes. A Bamberg, j'ai eu l'impression de mieux "ressentir" Hoffmann.


La cuisine également. Passé le Rhin et jusqu'à Vladivostok, on mange à peu près la même chose. Je trouve curieux qu'on n'ait jamais relevé ça. Les cuisines allemande, russe, polonaise, ukrainienne, tchèque, ce sont, surtout, des variations autour de quelques ingrédients de base: des patates (cuites à l'eau), du chou, des saucisses, de la viande archi-cuite, des soupes. On y ajoute le bigos et les pierogis  polonais, les pelmenis russes et les varenikis ukrainiens, plus quelques gâteaux (notamment au pavot) et on a fait le tour de la cuisine d'Europe Centrale.On imagine, en France, que ce sont des cuisines raffinées mais pas du tout : c'est fruste, basique, vraiment pas classe, mais c'est, du moins, roboratif. Comme ça, en Allemagne, on peut se nourrir, pour rien, d'une platée de cochonnailles. Je ne dirais pas que j'adore ça mais ça ravive plein de souvenirs en moi et ça n'est vraiment pas ruineux.


Mais ce qui me plaît, c'est qu'en Allemagne, comme dans toute l'Europe Centrale, je peux aller manger n'importe quoi, à n'importe quelle heure: une patate, une soupe, ou, simplement, bouquiner, rêvasser. Goûter l'ambiance débridée d'une taverne devant une bière, échanger avec mes voisins. Rien à voir avec le restaurant français, où chacun joue au petit marquis. En Allemagne, c'est le fameux "zusammen sein" ("être ensemble"). Bien sûr, ce n'est pas raffiné mais c'est égalitaire, accessible à tous, hommes et femmes. Tout le monde peut aller délirer, un soir, dans une brasserie, se sentir un roi, une reine, durant quelques heures, pour quelques euros. J'adore ! ..., même si ça a, aussi, permis Hitler.


Ou alors, je peux essayer de calmer mes nerfs en allant me taper une "pointe" sur autoroute : à fond la caisse, au volant de ma BM. Les courses-poursuites, c'est exaltant,  un grand plaisir. On y joue vraiment quelque chose (sa vie, notamment)  et ça réclame une grande concentration. J'essaie de me confronter aux Porsche mais je n'y arrive pas. Consolation : j'ai, quand même, beaucoup de succès avec mes plaques françaises et mon modèle BM très rare. Je deviens une star ! Les belles bagnoles, la vitesse, c'est proscrit en France, surtout pour une femme. C'est débile, bien sûr, mais ça relève, aussi, de sentiments troubles ayant trait au rapport à la mort.


L'un de mes hôtels en Allemagne. Ça convient bien à une vampire, n'est-ce pas ?








Il ne faut pas oublier, non plus, pour les hommes, les nombreuses petites maisons de prostitution, confortables et sympathiques. Les bordels, ça remplit, aussi, une fonction sociale importante. Ils participent à la lutte contre les exclusions. C'est en partie, grâce à eux, que les immigrés se sentent mieux intégrés en Allemagne.


Répulsion :

Les Allemands, du moins la population dans son ensemble (même si je sais que c'est une abstraction), n'ont vraiment pas une vision esthétique de la vie. Je catégorise bien sûr et c'est détestable mais, mais ...Les Allemands ont une vision hygiéniste de la vie que je déteste : le pratique, le simple, le solide, le confortable, c'est ça qui est valorisé. Baiser, c'est aussi pour l'hygiène ! 


Rien de superflu, rien d'excessif. Ça explique aussi qu'on soit effroyablement avares. Et gare à vous si vous ne vous conformez pas aux règles universelles de l'ordre et de la propreté. On est volontiers intrusifs et on vous rappelle tout de suite à l'ordre. On adore faire des remontrances, embêter les autres.


Les relations entre les sexes sont aussi complètement différentes. Ça me gêne beaucoup moi qui, même  pour sortir une poubelle, suis toujours habillée, maquillée. Mais, être une femme en Allemagne, ça n'a, vraiment, rien à voir avec la France ou les pays slaves. Il suffit de confronter Ségolène Royal et Angela Markel pour comprendre ça. La culture de la séduction est absente en Allemagne et, d'ailleurs, personne ne vous drague. De plus, tout le monde, hommes et femmes, est très mal habillé. 



Le spectacle de la rue en Allemagne est, comme ça, consternant : on a l'impression de ne rencontrer que des gens laids. Les filles ou les mecs sur qui poser son regard, ça n'existe quasiment pas: plein de monstres ! Une belle fille, un beau mec, c'est absolument exceptionnel.


Un chauffeur de taxi, à Prague, me disait, récemment, qu'il venait de quitter l'Allemagne parce que, pour y survivre, il fallait être homosexuel, indifférent aux sexes. C'est, peut-être, odieux de dire ça mais c'est, également, porteur de vérité. La dictature de la beauté, on ne connaît effectivement pas en Allemagne. Bizarre dans un pays qui a longtemps vécu, et qui continue de vivre, dans la conscience de sa supériorité. L'apparence n'est vraiment pas une préoccupation première. Seule compensation: être une fille moche, en Allemagne, est, paraît-il, moins problématique, moins douloureux, qu'ailleurs.


Dernier point: l'histoire. J'ai l'impression, quoi qu'on en dise, que l'on a tout effacé, occulté. Difficile, voire impossible, d'en parler et, surtout, plus personne ne veut, aujourd'hui, se reconnaître coupable. Il y a pourtant bien, me semble-t-il, une culpabilité collective, pas seulement allemande d'ailleurs, qui perdure.


Photographies de Carmilla Le Golem à Heidelberg, Bamberg et Speyer.

A défaut de vous rendre à Bamberg, je vous invite à lire, relire, HOFFMANN, notamment "Les élixirs du diable", "Le chat Murr". Hoffmann, c'est l'un des écrivains dans lesquels je me retrouve absolument.

Je recommande, également,: "Un roman d'Allemagne" de Régine ROBIN (qui vient de sortir) et Brigitte Sauzay: "Retour à Berlin".

Enfin, si vous recherchez un film, voilà mes conseils: "L'histoire de l'amour" de Radu Mihaileanu, d'après le roman de Nicole Krauss, et, aussi,  "Le client" d'Asghar Farhadi.

2 commentaires:

nuages a dit…

C'est toujours agréable d'avoir un écho de vos voyages, avec quelques belles images comme ici, en automne !
J'irai bien faire un tour à Aix-la-Chapelle un de ces jours, quand la lumière sera plus favorable.
De l'Allemagne, je connais surtout Berlin, ville passionnante même si pas nécessairement toujours belle, où j'ai passé une dizaine de jours en 1999.
Encore plus ancien, un séjour avec des étudiants en RDA, en 1986. C'était vraiment impressionnant, une dictature communiste vue de près, même relativement soft par rapport à d'autres. J'en ai d'ailleurs montré des images sur mon blog, il y a quelque temps.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Il faut, en effet, absolument, que vous vous rendiez à Aachen (Aix-la-Chapelle). La cathédrale (la DOM) est stupéfiante. C'est vraiment un sommet de l'architecture occidentale: le début de sa construction remonte au 8 ème siècle. Je suis étonnée qu'elle soit si peu connue en dehors de l'Allemagne.

Sinon, je connais surtout l'Allemagne du Nord et de l'Est. Mes petites villes préférées: Lübeck, Lüneburg, Celle, Wismar, Schwerin, Weimar, Naumburg, Meissen et bien d'autres.

J'adore également Berlin, jeune, dynamique et complètement transformée depuis une dizaine d'années avec une architecture innovante.

On ignore, souvent, en France qu'il y a une véritable qualité de vie en Allemagne et que le coût de la vie y est modéré (nourriture, logement).

Bien à vous

Carmilla