samedi 8 octobre 2016

Qui suis-je ?


J'imagine que chacun de vous, chers lecteurs, s'est, plus ou moins, forgé une petite image de moi. Ça n'est, peut-être, pas toujours très valorisant: sinistre, ennuyeuse, prétentieuse, follasse, obsédée, mythomane, mal baisée, névrosée... 

C'est très divers, c'est l'exercice de la démocratie. Je ne vous en veux nullement et d'ailleurs, je fais la même chose: je scrute vos lettres, messages, j'essaie de vous décrypter. 

C'est une passion contemporaine: on a besoin d'étiquetter quelqu'un, d'être confronté à une identité ferme, d'en dresser le portrait, de cerner son "caractère". C'est ce qui fait le triomphe de la psychologie. Ça permet de catégoriser, essentialiser, les autres, les rendre totalement prévisibles. 


Qu'on bavasse sur moi, ça a pu me gêner, me perturber, disons jusqu'à la fin de mon adolescence; mais je suis devenue, petit à petit, totalement imperméable à ce que l'on pouvait raconter et aux portraits, probablement peu flatteurs, que l'on pouvait dresser de moi. Je ne me fâche, même pas, avec ceux qui colportent des horreurs à mon propos. Lâcheté, lucidité ?


Certes, c'est d'abord mon travail, l'exercice de ma profession, qui m'a dicté cette attitude: si je fais attention à ça, si ça me bouleverse, si j'y attache de l'importance, je suis fichue! 

Mais le fait est que je ne me sens pas concernée par l'image que les autres peuvent avoir de moi. C'est d'abord eux qui y trouvent une assurance.


Rien ne m'apparaît plus absurde et régressif que la quête généralisée d'identité. Il faudrait apprendre à se connaître soi-même, savoir qui l'on est, c'est la demande que l'on formule dans les cabinets des psys. Ça déborde même la sphère individuelle avec les histoires, politiques, d'identité nationale ou religieuse. Mais est-ce que cette idée d'identité, ça n'est pas  aussi dangereux que l'idée de race ?


Avoir une identité immuable, c'est ce que l'on voudrait !

Moi, ça ne m'intéresse pas du tout. "Qui suis-je ?": je m'en fiche, c'est le passé, ce n'est pas ça qui peut me faire avancer. Mon identité, je la perçois comme incertaine, changeante. Je ne veux pas que l'on m'enferme dans une définition. Je sais que je suis très mouvante, je ne suis jamais comme ci ou comme ça. Je peux être une salope ou une sainte. Il y a plein de définitions de moi. Je sais que je peux être odieuse, infecte, infâme, mais aussi, parfois, pleine de compassion. Je veux simplement ne pas être jugée, catégorisée.


Les gens que je déteste le plus, ce sont ceux qui se prétendent vertueux, exemplaires ! 

Et moi-même, je m'adore et je me hais tout à la fois !

Le plus beau compliment que l'on puisse m'adresser, c'est de me dire: "je ne m'attendais pas à ça de toi !". Et ça vaut surtout dans l'abjection et dans l'ignominie.

Ceux qui m'interrogent le plus, ce sont les salauds !

C'est peut-être d'eux que je suis la plus proche !




"Qui suis-je ?", en soi, ça n'a pas grand sens ! Ce qui est important, c'est ce que je veux devenir.

Marre de se définir par rapport au passé  !

Je veux bien savoir qui je suis mais ce qui m'importe vraiment, c'est mon désir: où aller et comment y aller !

Comment vais-je (au sens de se mouvoir), comment j'y vais ? Et où ? Ce sont les questions essentielles de notre vie, de nos désirs ?. 




Images de Casey WELDON, jeune artiste californien: peut-être pas un grand peintre mais qui sait, très bien, instiller le trouble de l'identité.

4 commentaires:

Richard St-Laurent a dit…

Bonjour Dame Carmilla !

Qui suis-je ? Excellente suite à insatisfaction.

Sommes-nous confrontés à l'insatisfaction du regard des autres ?

Pourquoi ne pas devenir, que dire, bâtir sa propre nature, l'affiner, en faire du moins un espace confortable ? Sortir à découvert, quitter sa condition, son milieu, pour devenir et surtout soigner sa nature profonde ? Emprunter les chemins de travers, (au Québec on ne dit pas traverse), parcourir ce qui nous inquiète, quitter sa zone de confort, s'affirmer, toucher du désastre, se tromper, commettre des erreurs, traverser les tempêtes, tenir le cap, sans toujours être sûr de sa destination. En un mot ne pas se mentir à soi-même. Tout cela tient de la longue route, de la fatigue, de l'épuisement. Mais, qui sommes-nous pour renoncer à nous-mêmes ?

Les personnes qui s'inventent sans tenir compte du regard des autres sont rarissimes dans ce monde. Quelqu'un dans une file d'attente vous regarde dans le dos, vous regarde de haut, et lorsque vous vous retournez, et que vous le regarder droit dans les yeux, généralement, il baisse le regard.

Dans votre dernier message, de la semaine dernière, alors que j'énumérais certains désirs ou rêves impossibles, vous avec employé le mot éluder, terme qu'on n'utilise rarement autant en parole qu'en écriture, qui signifie passer à côté, éviter, etc. Il y a un certain monsieur Freud qui a écrit sur le sujet, l'humain possède cette capacité d'utiliser une chose à d'autre fin ce pourquoi elle existe, exemple, les artistes qui subliment leur sexualité dans leur œuvre. Nous oublions souvent que l'imaginaire est un outil puissant qui peut nous servir à ne pas tenir compte du regard d'autrui, à devenir nous-mêmes, à nous renforcer, voir même à transcender, quitte à boire la tasse de la solitude, jusqu'à se faire détester sur le seuil de l'envie.

C'est peut-être payer cher sa liberté, mais cela en vaut la peine.

Bon vent

Richard St-Laurent

KOGAN a dit…

Bonjour CARMILLA

Chacun est différent.

"Rien dans notre intelligence qui ne soit passé par nos sens" Aristote.

Par les 5 sens, voir, sentir, toucher, entendre, goûter, nous sommes capables de percevoir le monde grâce à cette formidable machine qu'est notre corps humain, pour atteindre la connaissance par l'expérience sensible de notre environnement,le votre est hors du commun...et peut dérouter quelques fois, ceux qui vous lisent.

Vous êtes une Artiste à votre manière, avec ce besoin et surtout soif de vouloir transmettre votre perception du monde, et le moyen de la comprendre est d'utiliser tous vos sens...en "provoquant" aussi(la meilleure façon d'attirer l'attention).

Pour ma part le plus important est la vue qui de fait impose d'activer tous les autres et de les garder en éveil...Cela peut servir.

Bien à vous.
Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard pour votre message auquel je m'excuse de répondre si tardivement.

Je souscris entièrement, à vrai dire, à ce que vous avez écrit et je n'ai rien à ajouter.

Parcourir ce qui nous inquiète, quitter sa zone de confort, emprunter les chemins de travers, c'est effectivement ça l'apprentissage de la liberté.

Bien à vous et bon vent également

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff pour votre message.

Comme toujours, vous êtes très gentil et un peu flatteur. Mais je ne me reconnais pas non plus complètement dans ce que vous me dites.

Je ne crois, ainsi, pas du tout, être une artiste, même à ma manière. Ce n'est pas de la fausse modestie mais il est important, pour moi, de demeurer lucide. Un blog, ça n'est tout de même pas grand chose et je n'ai pas d'autre prétention que de m'amuser, me divertir.

Ma seule petite originalité, je le concède, c'est que je suis façonnée par plusieurs cultures mais cela demeure très codé.

Bon week-end

Carmilla